dimanche 14 octobre 2018

A propos de "Le coeur blanc" de Catherine Poulain

Les mots, les phrases ont une force incroyable. Catherine Poulain nous embarque dans un tourbillon de profondeur humaine. Pas de description inutile, les dialogues se mêlent au récit. Elle explore les profondeurs de l'âme de ces saisonniers qui vont "faire" les lavandes, qui vont "faire" les prunes, qui vont "faire" les vendanges etc. On côtoie tour à tour des femmes, des hommes cassés par la vie et qui vont se réfugier dans la boisson pour "être ensemble". On ne décroche pas du livre. On suit Rosalinde, on suit Mounia et les autres, on pleure parfois avec l'auteur (c'est elle qui l'a dit aux Correspondances de Manosque cette année 2018). Quelques envolées lyriques parfois, pour respirer, mais surtout le fond de l'âme, les déchirures de la vie pour fuir un quotidien, une enfance, un clan familial trop difficile à supporter. La liberté avant tout, mais à quel prix ! A lire et à conseiller, plus fort encore que "Le grand marin". Une écriture qui vient des tripes et qui ne peut que vous bouleverser.

A propos de "Le train d'Erlingen" de Boualem Sansal

Jamais je n'ai trouvé un livre aussi ennuyeux, insipide et compliqué. Autant j'apprécie le personnage pour son anti-islamisme avéré et revendiqué, autant, parfois Boualem Sansal devrait s'abstenir d'écrire un tel flot de fils difficile à démêler ! Pourquoi faire simple etc. On s'endort au long du livre, on a envie de lâcher prise très rapidement. On va jusqu'au bout parce que l'on pense que l'affaire va finir par se décanter. Hélas, il n'en est rien. Dommage. Quand on entend parler l'auteur, on comprend que l'islamisme est son combat, quand on le lit on est aux antipodes de la compréhension.Pour moi la cible est ratée. Que l'on ne vienne pas me dire que je n'ai rien compris à son combat, bien au contraire !!!

jeudi 22 mars 2018

A propos de "L'oreille de Van Gogh" de Bernadette Murphy

Quel travail ! Une enquête digne d'un vrai polar. A recouper des éléments venants de différentes sources, des intuitions, des lectures, des entretiens : Bernadette Murphy vient rétablir quelques vérités sur ce triste épisode de la vie du peintre. Bien sûr, qu'il s'est coupé l'oreille, mais Rachel n'était pas une prostituée. Comment est-il arrivé à cette extrémité ? Une étude de la psychologie de Vincent, son cheminement spirituel, son désir de "faire le bien autour de lui" et malgré tout ces soucis qui relèveraient aujourd'hui de la psychiatrie apportent au lecteur un complément utile et indispensable pour comprendre et encore plus apprécié (s'il en était besoin) l'immense talent d'un des plus grands peintres du XIX° siècle. Un tableau vendu de son vivant ! Deux médecins qui, à Auvers sur Oise, pensent que Vincent est intransportable après son coup de feu fatal ! et malgré tout des gens (pas tous) bienveillants à Arles. Et bien sûr son frère qui le soutiendra jusqu'au bout. La liste des ouvrages consultés par l'auteur et une abondance impressionnante de notes viennent parfaire ce remarquable ouvrage publié chez Actes Sud.

Le 22 mars 1968

Il y a 50 ans, comment l'aurais-je su ? J'étais Place de la Sorbonne à Paris, travail dans la librairie des Presses Universitaires de France. Mai 68 vécu de manière curieuse : Cohn bendit lançant un pavé sur un car de flics, Geismar, Sauvageot haranguant les foules sur la Place. Des pavés qui volaient, des flics qui poursuivaient les gens (j'en ai fait partie) jusque dans les couloirs d'immeubles, une matraque à la main. Les transports en commun paralysés, l'hébétude partout : comment les choses allaient évoluer ? Plus tard dans le mois, la Rue Soufflot en proie aux flammes des voitures calcinées, les grilles des arbres arrachées et mis en travers du Boulmich, quelques pavés déchaussés et servant de barricades. Du haut de mes 18 ans, je ne voyais pas trop l'enjeu de ce débordement, pourtant au cœur du Quartier Latin ! Panique du pouvoir, de Gaulle partant pour Baden Baden à la rencontre de Massu, on pensait qu'il allait revenir avec des chars, tant la situation n'était plus sous contrôle. Tous les jours apportaient un lot de nouveautés : je me souviens avoir eu la visite, dans la librairie, d'Alain Bombard qui venait soutenir les grévistes que nous étions. Grille du magasin fermée, craignant les "casses" des "jeunes, étudiants, moins jeunes" qui se relayaient sur le Boulevard. Au bout d'une semaine, le chaos était installé pour un moment : les ordures amoncelées, les rues impraticables (voitures incendiées, pavés déchaussés, grilles d'arbre en travers, quelques arbres abattus...)les charges des uns et des autres comme si une guerre était déclarée sur Paris.Souvenirs épars mais encore très présents à mon esprit aujourd'hui 22 mars 2018 !